Parlons théâtre. En dînant, Aline, Catherine et moi...

  • 22.00€

Auteurs: 
Collection: 
22.00€
Date de parution: 
15/02/2013
Etat du livre: 
Neuf
ISBN: 
9782847430646
Langue d'origine: 
Français
Nombre de pages: 
208

Comédien depuis le début des années 1940, Jean Pommier a joué avec les plus grands metteurs en scène : Copeau, Dullin, Jean-Louis Barrault, Barsacq, Jean-Marie Serrault, Georges Wilson...

Jean, Aline et Catherine habitent un même immeuble - Jean depuis 60 ans –, rue Boulard, dans le 14e arrondissement de Paris. Au cours de dîners amicaux, Jean leur raconte... sa vie de théâtre, les personnes rencontrées, les tournages, les différences entre théâtre et cinéma, mais aussi l'évolution du quartier et de leur maison, toute une histoire, toute une vie.

Jean Pommier exerce toujours son métier de comédien.

Sommaire: 

AVANT-PROPOS, par Jean-Claude Penchenat

 

INTRODUCTION, par Jean Pommier

 

1. Les débuts

2. Saint-Germain, le quartier

3. L’Atelier, Hébertot, le TNP

4. Chez Renaud-Barrault

5. Le Centre Dramatique du Nord et le Livre Vivant

6. Le cinéma

7. Cinéma et théâtre

8. Le cinéma comme spectateur

9. Revenons au théâtre, rencontre avec les auteurs

10. Décorateur et costumier, metteur en scène

11. Avec Jean-Claude Penchenat

12. À propos du jeu et des acteurs

 

CONCLUSION

 

ANNEXES

Liste des pièces de théâtre citées

Quelques pièces non citées dans le texte dans lesquelles Jean Pommier a également joué

Liste des films cités

Filmographie de Jean Pommier non mentionnée dans le texte

Personnalités citées. Quelques éléments biographiques

Théâtres cités. Quelques éléments historiques

Extraits: 

Extrait du chapitre 2 de Parlons théâtre de Jean Pommier

 

2 – Saint-Germain, le quartier…

J'ai donc retrouvé Dasté en aout 44. C'était le début de Saint-Germain-des-Prés. Nous passions nos nuits à Saint-Germain. C'était au fond très limité, Saint-Germain. C'était un arrondisse­ment de Paris. Le reste du monde ignorait Saint-Germain-des-Prés… C'était très fréquenté, et très mal, selon les rumeurs… Les gens venaient voir... il n'y avait rien à voir... seulement un grand boulevard, quatre rues très provinciales et beaucoup de cafés, des petites boutiques !

– Il y avait surtout le Flore et les Deux Magots?

– Oui, en face, la Reine Blanche puis le Drugstore. Mais avant le Drugstore, un café faisait l'angle de la rue de Rennes et du Boulevard Saint-Germain : le Royal Saint-Germain. Il était ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La journée, c'était un vrai bistrot avec un tabac. Il y avait toujours énormément de monde comme dans une gare. La nuit, tous les fêtards qui revenaient des halles à minuit, deux heures du matin, et mangeaient la soupe à l'oignon... Après, cela continuait… Il y avait les clochards, les gens qui ne se couchaient jamais ou qui couchaient sur les ban­quettes dans le fond. On en trouvait par terre le matin, qui dor­mait là, un peu saouls... Et cela reprenait vers cinq ou six heures, les garçons arrivaient... Et la vie reprenait vers huit heures. Les gens qui allaient travailler venaient prendre un café.

Dans la journée, il y avait des gens du cinéma ?

– Il y avait de tout… Au Royal Saint-Germain, j'ai vu André Breton au bar, Orson Welles... On pouvait voir plein de gens comme Gréco qui n'était pas encore connue, Michel De Ré (petit-fils du général Gallieni)... Sartre, Simone de Beauvoir fré­quentaient le Flore. Tout le monde venait au Flore... un peu parce qu'il y faisait chaud. Les gens faisaient la tournée des bistrots… Le Flore, les Deux Magots, Le Royal Saint-Germain… Un peu plus loin, il y avait La Rhumerie martiniquaise... L'Apollinaire maintenant détruit. Le Mabillon existe encore au coin de la rue de Seine. En face, il y avait la Pergola près du marché Saint-Germain. Quand on traînait la nuit, c'était le dernier ouvert. À quatre ou cinq heures du matin, il y avait encore beaucoup de gens... Du cinéma, des musiciens... Des gens qui sortaient de faire un numéro en cabaret, il y avait vraiment beaucoup d'acteurs, beaucoup d'artistes. La dernière chance, c'était le Bar Bac, rue du Bac qui était ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Si on n'avait pas envie de rentrer chez soi... on pouvait rester jusqu'au petit matin... Il se trouvait au coin de la rue de Verneuil et de la rue du Bac. Cela se passait, au fond sur cinq cents mètres avec quelques incursions Rive droite. C'était rare… mais d'un seul coup, quelqu'un disait « on va au Bœuf sur le toit ». On passait sur la Rive droite pour changer un peu d'atmosphère.

– Et vous, vous alliez où?

– Au Bœuf sur le toit. Celui que j’ai connu se trouvait rue du Colisée, au bas des Champs-Élysées. La terre entière était là, beaucoup d'américains. Il y avait des attractions extraordinaires, des chanteurs, des chanteuses. Des pianistes, c'était le grand cabaret de Paris... Il y avait aussi le cabaret d’Agnès Capri, l'égérie des surréalistes. Une dénommée Morgane avait aussi à l'époque beau­coup de succès.

C'était en quelle année ?

– À partir de 1945, cela avait commencé à la Libération. Agnès Capri était connue avant la guerre, elle avait tenu deux ou trois cabarets. Elle chantait des chansons de Prévert. Il y a eu aussi le phénomène Gréco qui a chanté Prévert. D'autres aussi, Morgane, par exemple. Cora Vaucaire a créé les Feuilles mortes. Il y avait Le Tabou, la première cave utilisée comme local de jazz à Paris ; l’orchestre de Claude Luther y jouait. Je crois que l’on n’a pas dormi pendant quatre ans ! On dormait un peu le matin. Je suis venu ici, au 42 rue Boulard où nous sommes, le premier janvier 45.

– Où habitiez-vous avant ?

– J’habitais au coin de la rue de Rennes, à l'Hôtel de Brest. Mes parents m’avaient mis là parce que c'était des Niortais qui tenaient l'hôtel, c'était pour me surveiller un petit peu... Les gens faisaient des descriptions épouvantables de Paris comme si c'était un lieu de débauche. Tout le monde vivait dehors parce qu'il y avait eu la guerre avant et il y a eu un grand sentiment de liberté... La vie n'était pas chère du tout, je ne payais pas de loyer, ou 40 francs à la concierge. Je rencontre Nazet qui me dit :

« Vous ne devez pas être bien à l'hôtel ? » 

« Oh, je ne suis pas mal mais enfin, j'aimerais mieux avoir un truc à moi. »

« Je connais une maison en face de chez mes parents… (C’était ici, 42 rue Boulard). J'ai ma belle-sœur qui habite une petite cham­bre, elle est toute seule dans cette grande maison déserte, elle a peur. »

Mon père me dit : « Allons voir cette chambre ! »