Je crois que je suis en train de me transformer en créature marine. Ça va changer ma vie. Me rendre libre, enfin ! Ou m’éloigner de tous ceux que j’aime. Voilà ce qui arrive quand on s’éloigne trop longtemps de la mer, quand on est privé de sa lumière. Et dire qu’on me vantait les lumières de Paris. Ce soir, j’irai me coucher tôt en espérant rêver encore de ce surfeur heureux sur une plage sauvage.
Il existe quelque part d’autres personnes aimantées par l’océan et ses secrets qui vivent des événements étranges. Ils ont comme moi des cheveux d’un bleu mystérieux. Il y a peu, j’ai eu la vision d’un homme qui partait à la recherche d’un trésor au large des côtes africaines, et celle d’un homme qui me ressemblait aussi qui découvrait au fond de l’eau un objet mystérieux qui allait changer notre vision du monde. Je sais que nos destins sont liés.
Un beau compte rendu du livre par Béatrice Bernier-Barbé.
Les cheveux bleus J’ai les cheveux bleus. Je suis né ainsi. On ne m’embête pas pour ça. Il y a bien des blonds, des bruns, des roux et des caméléons. Certains vont chez le coiffeur se teindre les cheveux. Alors vous pensez bien, un grand gars de deux mètres vingt élancé comme un espadon avec une houppette bleue sur la tête, nul n’y prête attention.
Ma mère aimait mes cheveux. Elle disait qu’il n’y avait pareil bleu sur la Terre. Elle me faisait monter sur ses genoux, ouvrait des livres sur les fleurs et cherchait toutes celles qui étaient bleues ou presque bleues : « Tu vois mon chéri, ce n’est pas ce bleu-là, ni celui-là… » Et quand le temps n’était pas trop couvert, elle pointait son doigt vers le ciel : « Ce n’est pas non plus ce bleu-là… »
Un jour que nous nous promenions en bord de mer – je devais avoir sept ans –, elle s’arrêta net devant les rouleaux de l’océan. Après une longue minute d’absence, elle me dit avec des larmes qui lui coulaient des yeux : « J’ai vu ta couleur mon chéri, ça n’a duré qu’un instant mais j’ai vu ta couleur dans le creux d’une vague. Après, je l’ai cherchée dans le creux d’autres vagues mais ce n’était plus exactement le même bleu. Il faut dire que la lumière est très changeante au bord de la mer, du coup les nuances de couleurs ne sont jamais tout à fait les mêmes d’un instant à l’autre. »