Que fait la littérature avec les monuments commémoratifs, ces objets sculptés tantôt exaltants, tantôt décevants, souvent dérangeants, par lesquels une société tente de s’expliquer à elle-même son propre passé ? Pour répondre à cette question, ce livre rassemble plusieurs centaines de sources mettant en jeu des monuments réels ou imaginaires. Ce sont principalement des poèmes, écrits dans une quinzaine de langues différentes, mais aussi des romans, des récits, des livres illustrés, des films et des documents variés, datant de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, qui sont étudiés ici. Des motifs récurrents, comme l’animation des figures sculptées, circulent entre des littératures relevant pourtant de contextes très distincts.
Si les monuments ont tant intéressé les écrivains, c’est qu’ils condensent tous les enjeux idéologiques, politiques et esthétiques se posant collectivement à une société donnée. La littérature cherche parfois à épouser pleinement le projet monumental. Parfois aussi, elle réimagine les monuments en toute fantaisie pour les libérer de leur sérieux. Le plus souvent pourtant, elle les refuse en déployant des stratégies d’iconoclasme à l’intérieur même des textes. De telles tactiques s’avèrent indispensables face aux monuments des dictateurs, tout particulièrement en terres soviétiques. Et si les sociétés occidentales contemporaines ne se satisfont plus des supports traditionnels de mémoire collective qui leur ont été légués, on découvre déjà les prémices du malaise suscité par les monuments aux grands hommes dans la littérature du XIXe siècle et dans les œuvres des avant-gardes : le phénomène de l’iconoclasme doit se comprendre dans le temps long. 
Ce livre apporte une contribution à un champ qui demeure encore très largement à explorer : les relations entre sculpture et littérature. Pour ce faire, il s’intéresse aussi à l’image en deux dimensions, fixe ou mouvante, qui joue fréquemment un rôle d’intermédiaire entre le texte et la sculpture.