Née en Russie en 1912, l’Œuvre de Secours aux Enfants s’implante en France dans les années 1930 dans le but de contribuer au relèvement social du peuple juif par une philanthropie hygiéniste. Après avoir sauvé des milliers d’enfants juifs durant la Shoah, l’organisation construit sa nouvelle légitimité dans l’après-guerre en révisant ses idéaux et en négociant son orientation avec les pouvoirs publics. Cet ouvrage retrace les différentes étapes et les principaux enjeux de la recomposition identitaire de l’OSE. Le focus est placé sur le développement d’un « service d’action psycho-sociale » au sein de l’OSE, après 1945, et sur la participation de l’association à l’expansion de la protection de l’enfance jusqu’à nos jours.
L’analyse sociologique de l’évolution du service social de l’OSE dévoile des processus intriqués : les chevauchements des cibles de l’action publique entre enfants à protéger et familles à aider ; le passage de l’hygiénisme philanthropique à l’action sociale professionnelle; les concurrences entre des hommes, cadres éducatifs, et des femmes, assistantes sociales en quête de reconnaissance. Elle révèle les stratégies institutionnelles autour d’une spécificité juive face aux pressions des autorités publiques avec, notamment, l’élaboration d’une approche socioculturelle en direction des familles réfugiées, rapatriées ou émigrées, dites «transplantées». Elle éclaire enfin quelques questions pendantes. Pourquoi le service social de l’OSE a-t-il été considéré précurseur, voire pilote dans l’application des textes de 1958 et de 1959 sur la protection de l’enfance, en région parisienne ? Quelles sont les raisons de l’ouverture de l’Œuvre aux enfants de familles non juives au cours des années 1990 ?
L’objectif de ce travail, qui repose principalement sur l’étude des archives de l’institution et sur les témoignages de professionnels, est d’éclairer le présent à la lumière du passé. C’est un pan original de l’histoire de la protection de l’enfance qui est ainsi reconstitué.
REMERCIEMENTS
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
PARTIE 1- DE L'OZE DE RUSSIE AU SERVICE SOCIAL DE L'OSE-FRANCE
1. L’OSE et les pouvoirs publics : entre indépendance et quête de reconnaissance
› Une philanthropie hygiéniste centrée sur un judaïsme humaniste
› Un soutien des élites contrarié par des tensions sociopolitiques
› L’OSE-France : de la clandestinité à la reconnaissance d’utilité publique
2. Une sensibilité croissante au service social professionnel (1934-1948)
› À l’enseigne de l’hygiénisme pastorien
› Une professionnalisation souhaitée mais irréalisable
› Priorité à l’enfance persécutée : l’assistante résidente en camps d’internement
› Des alliances souterraines dans les milieux de l’assistance sociale
› Urgences et malaise dans l’après-guerre
3. Les artisans du service social
› Andrée Salomon, Eugénie Masour, Vivette Samuel
› Andrée Salomon, initiatrice du service social
› Eugénie Masour, l’aiguillon de la réorientation de l’OSE
› Vivette Samuel, fondatrice d’un service social « autonome » à l’OSE
Conclusion
PARTIE 2 – L'ÉDIFICATION D'UN SERVICE SOCIAL D'AIDE AUX FAMLLES ISRAÉLITES NÉCESSITEUSES (1945-1958)
1. Névroses, traumas et déracinements familiaux : élaborations autour des pathologies juives
› Les névroses juives comme point d’ancrage scientifique
› De la mesure du préjudice humain à la prise en compte du traumatisme psychique
› Un recentrage sur la famille déplacée et dissociée
2. Pour un traitement social de la famille et de l’enfant
› La montée en puissance du service social
› Les sources de la révolution cognitive
› Les tensions entre le service enfance et le service social
› L’affirmation d’une culture professionnelle
3. Le case-work : une nouvelle source de légitimité idéologique et technique
› Les origines du case-work : quelques rappels
› Le case-work : une plus-value institutionnelle et professionnelle
› Une once de libéralisme dans l’action sociale en construction
› L’art de manier les normes
Conclusion
PARTIE 3 – L’émigration des Juifs d’Afrique du Nord : un défi pour l’OSE
1. Quelques éléments sur les situations des Juifs en Afrique du Nord
› À travers le prisme des institutions juives d’Afrique du Nord
› Les identités plurielles des Juifs nord-africains
2. Arrivées massives de nouvelles populations et organisation de l’accueil
› De l’émancipation des orphelins de guerre à l’émergence des « cas sociaux »
› Le traitement communautaire et étatique des nouveaux arrivants : un jeu d’équilibriste
› La spécialisation de l’OSE auprès d’une clientèle dite « transplantée »
› Entre le semblable communautaire et la figure de l’étranger
› Place de la judéité et pratique du judaïsme
› L’adaptation progressive à un nouveau public
3. Entre familialisme et maternalisme
› Des maisons d’enfants au service social
› Un suivi social réflexif centré sur les mères
Conclusion
PARTIE 4 – UN SERVICE SOCIAL PILOTE EN PROTECTION DE L'ENFANCE? CAP SUR LE MILIEU OUVERT (1956-1976)
1. Justice des mineurs, Aide sociale à l’enfance : des concurrences au sein de l’État
› Une tension idéologique à la base du système de protection de l’enfance
› Un maillage politico-institutionnel sur fond de péril démographique
› Clivages et rivalités entre ministères dans l’après-guerre
› L’expansion de l’action en milieu ouvert
› La construction d’une cohérence entre la Justice et l’ASE
2. L’entrée de l’OSE parmi les protagonistes du milieu ouvert
› Deux associations socio-judiciaires établies dans le département de la Seine
› De l’EMO judiciaire à l’AEMO administrative : le chemin suivi par l’OSE
› Du fatras autour de la prévention
3. Vivette Samuel et Myriam David dans l’ordonnancement de la prévention
› Insuffler une doctrine et transmettre des savoir-faire
› Faire bouger l’ASE ?
› La reconnaissance légale : un nouvel essor pour l’OSE via l’AEMO
Conclusion
PARTIE 5 – L'OUVERTURE AUX POPULATIONS NON JUIVES: POUR UNE PÉRENNITÉ INSTITUTIONNELLE
1. L’OSE sous une avalanche de contraintes
› Le morcellement des politiques sociales : un facteur de déstabilisation
– De l’espoir à l’amertume
– Quand la crise s’installe
2. Les leviers du changement
› Une révision de conscience collective
L’identité de l’OSE : des découvertes aux divisions
› La « transplantation » comme concept fédérateur
3. De la stabilisation institutionnelle aux nouveaux défis
› Une ouverture multiculturelle stimulée par une offre d’activités judiciaires
› L’ethnopsychiatrie comme support cognitif
› Les recentrages sur l’appartenance communautaire
› Les signes de la judéité dans les pratiques professionnelles
› Une mémoire institutionnelle réactivée par les révélations sur la Shoah
› Une vie associative renforcée… par les « anciens »
Conclusion
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
› Vocation initiale et positionnement institutionnel
› Formes de mutations identitaires : régime associatif,professionnalisation, cadre législatif
› Formes de continuité : stabilité d’un critère d’action, recours à la mémoire, équilibre entre les secteurs Enfance et Médico-social
POSTFACE de Roger FAJNZYLBERG
ANNEXES
1. Organigramme de l’OSE – Septembre 2012
2. Vivette SAMUEL : curriculum vitae
3. Nathan KHAÏAT : éléments de biographie
4. Repères chronologiques
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES