Plus que tout autre sans doute, notre temps requiert un remodelage volontariste et planifié des territoires afin de répondre aux défis socio-environnementaux actuels. Mais nos sociétés démocratiques sont largement privées des moyens politiques d’une telle ambition depuis qu’elles ont remis en question la légitimité de la techno-structure planiste qui, de 1950 à 1975, à aménagé efficacement, autoritairement et aussi aveuglement l’essentiel des espaces que nous partageons aujourd’hui – grands ensembles de logement et zones commerciales, réseau autoroutier et transports publics à grande vitesse, bases de loisir et secteurs sauvegardés des centres villes, équipements sportifs et pôles universitaires.
Un demi siècle après ces grands chantiers généralement accusés d’avoir défiguré les territoires, il est temps de dresser un bilan de ces « paysages de la modernité », afin d’évaluer le legs du planisme et d’imaginer son renouveau critique. Si, en effet, bien des ouvrages construits par le planisme se dégrade et subissent l’agressivité de plans de rénovation urbaine fondés sur cette même logique de table rase qu’ils reprochent aux urbanistes des années de croissance d’avoir employée, en revanche les espaces publics, les plantations et les reliefs sommairement et massivement esquissés alors arrivent désormais à maturité pour qui sait les regarder.
En mobilisant les outils des sciences du paysage et en les confrontant à l’exploration d’une vingtaine de paysages emblématiques de la modernité, l’auteur montre la diversité et la qualité insoupçonnées des paysages induits plutôt que produits par le planisme, et suggère comment ce « degré zéro du paysage » pourrait bien composer l’armature écologique et urbaine des territoires en transition.
Denis Delbaere est paysagiste et professeur en Ville et Territoire à l’Ecole d’architecture et de paysage de Lille. Concepteur de plusieurs espaces publics d’échelles variées, il construit une activité de « chercheur de paysage » qu’il développe au sein du Laboratoire Conception/Territoire/Histoire (LaCTH), à Lille, et à travers une activité de critique publiée dans plusieurs revues.
Introduction – Pour un planisme critique
Le projet de paysage comme enchantement de l’ordinaire
Le degré zéro du paysage
Urbanisme de la table rase : le planisme
Pour une méthode critique
Refonder l’aménagement du territoire par le paysage
De la critique du planisme au planisme critique
PREMIÈRE PARTIE
Les paysages de la table rase
Cinq explorations
1. Installer le programme - Le terrassement structurant
Les paliers topo-typologiques du Plan Voisin
Les terrasses cachées de Farésbersviller
Les strates bocagères des Hauts-de-Vallières
Le mail de la Mousserie
2. Organiser les vues - Scénographies paysagères
Scénographies autoroutières
Les Hauts-du-Lièvre : panorama à tous les étages
Le lotissement comme dispositif panoramique : la cité Bellevue de Creutzwald
3. Restaurer et conserver le paysage - Fondations, translations et Lapsus paysagers
Le Corbusier et la restauration du centre de Paris
Saint-Nazaire, ville translatée
La cité Concorde et la résurgence des remparts lillois
Les bassins du parc de la Deûle : permanences d’une figure de paysage
La jetée industrielle de Gravelines
4. Trames vertes – Le paysage comme infrastructure
Grandeur et décadence d’une trame verte : le cas de Quétigny
Les mails plantés de la zup de Bellevue
Paysage et malentendu : la bande verte de l’autoroute de Gand
5. Gérer la périphérie - Proliférations végétales et espaces publics émergents
L’arboretum du Blosne
Les sylves linéaires des autoroutes urbaines
DEUXIÈME PARTIE
Manière de lire les programmes d’aménagement,
d’équipement et d’infrastructures nationaux
comme des projets de paysage
Introduction
1. Le paysage explicite
La construction éditoriale de la trame verte de Quétigny
La rhétorique urbanistique du paysage dans le Plan Voisin
2. Le paysage implicite
Le sens affleurant des documents techniques de la cité Concorde
Généalogie des plans et projets nomades : la coupure verte de Gravelines
3. Le paysage performatif
Les ponts iconographiques de la description corbuséenne de Paris
4. Le paysage rétrospectif
Les Hauts-du-Lièvre : la coupe paysagère comme amplification de la coupe architecturale
À Belle-Beille, le paysage rétrospectif va plus loin que la pensée de l’architecte
5. Le paysage approprié
Conclusion – Une autre manière de faire projet de paysage ?
Le degré zéro du paysage : prégnance des formes et transparence des discours
Le piège de la performativité paysagère
Rafistoler l’architecture sur le paysage
Altération du projet architectural et émergence du (méta) projet de paysage
Le (méta)projet de paysage comme création collective