Le XXe siècle a connu des violences extrêmes, de la Shoah aux purifications ethniques et aux déplacements forcés de populations entières. La carte de l’Europe et de ses populations a subi une recomposition drastique durant et après la Seconde Guerre mondiale.
Après 1989, avec l’ouverture des frontières, est apparu un tourisme nostalgique et mémoriel : le retour des expulsés sur les lieux perdus de leur enfance, mais aussi celui de survivants ou de victimes de persécutions qui reviennent sur les lieux du désastre et des violences commises par ou dans le sillage des régimes totalitaires.
Ce tourisme de la mémoire, parfois nommé aussi « tourisme noir », se dirige d’une part vers les lieux de la destruction (Auschwitz, Treblinka) ou de la répression (des prisons, des camps d’internement), mais aussi vers les villes ou les localités où l’histoire familiale s’est cassée. Les « touristes du souvenir » recherchent les traces non pas d’une enfance heureuse, mais au contraire, d’une brisure, d’un traumatisme, d’une mémoire qui hante leur présent et qu’ils cherchent à exorciser. Ils cherchent à reconstituer une partie d’une histoire familiale ou individuelle perdue, parfois sur plusieurs générations. La quête de cette mémoire meurtrie est souvent devenue un élément constitutif de l’identité en Europe centrale et orientale après 1989.
INTRODUCTION
Delphine Bechtel et Luba Jurgenson
PARTIE I – TOURISME NOSTALGIQUE ET CONSTRUCTION D’UNE MÉMOIRE COMMUNAUTAIRE
Le tourisme et la restauration symbolique des territoires perdus : le cas de la « Transylvanie hongroise »
Margit Feischmidt
Le tourisme des protestants allemands retournant en Haute-Silésie
Krzysztof Gładkowski
Entre contacts fortuits et remémorations soudaines : le tourisme mémoriel dans l’ex-Prusse orientale
Ruth Leiserowitz-Kibelka
La représentation des voyages de retour dans la littérature allemande de Roumanie après 1945
Olivia Spiridon
Revisiter des souvenirs nostalgiques et traumatiques : les touristes des racines sur l’isthme de Courlande
Anja Peleikis
Partie II – TOURISMES CONCURRENTS ET CONFLITS MÉMORIELS
« Se souvenir de la patrie » : tourisme mémoriel et tourisme identitaire en Transcarpathie
Anne-Marie Losonczy
Le tourisme mémoriel vers la Galicie : retours sur les lieux
du conflit interethnique entre Polonais, Ukrainiens et Juifs
Delphine Bechtel
Quelle langue parle le souvenir ? Rhétorique de l’alternative bilingue tchéco-allemande dans les usuels touristiques sur les Sudètes
Xavier Galmiche
Partie III – LE TOURISME VERS LES LIEUX DE LA DESTRUCTION
La guerre et le tourisme : soldats et officiers des forces d’occupation du IIIe Reich sur le territoire de l’URSS, 1941-1944
Gueorgui Chepelev
Les voyages scolaires israéliens vers les sites d’extermination en Pologne : un parcours d’anthropologue
Jackie Feldman
Visiter Levachovo, cimetière du stalinisme (1989-2010)
François-Xavier Nérard
Visiter les lieux du Goulag en Russie : parcours d’invisibilité
Luba Jurgenson
Les monuments aux morts sont-ils habités ? Tourisme de Guerre et émotions patrimoniales à Khatyn (Biélorussie)
Élisabeth Anstett
RÉSUMÉS DES ARTICLES ET BIOGRAPHIES DES AUTEURS