Malgré un important corpus documentaire produit dans le champ des Genocide Studies – et de façon assez paradoxale si l’on songe à la façon dont se sont déployées les études sur le corps – la question du sort fait aux cadavres dans les violences de masse demeure encore un sujet largement inexploré. Le corps représente, certes, une thématique transversale des sciences sociales, mais s’il est considéré dans tous ses états tant qu’il est vivant, il disparaît largement de l’attention des chercheurs une fois mort. Seuls les archéologues et les anthropologues spécialistes du champ funéraire se sont penchés sur l’investissement social, religieux ou politique dont le corps mort fait l’objet en contexte de production massive de cadavres. Ce volume rassemble des contributions d’historiens, de juristes et d’anthropologues qui se sont demandé pourquoi les restes humains et les cadavres présents en grand nombre constituent encore l’impensé, voire le tabou, des recherches menées sur les génocides et les violences extrêmes, et comment leurs disciplines respectives abordent ces objets singuliers.
INTRODUCTION
I. Le corps violenté : de la dignité humaine en droit pénal international
Caroline FOURNET
II. Chercher les morts parmi les vivants. Donner corps aux disparus de la dictature argentine par le droit
Sévane GARIBIAN
– Droit à la vérité et reconstruction du sort des disparus
– Droit à la vérité et récupération forcée de l’identité des enfants volés
III. Vers une criminologie du rapport entre la violence de masse et le corps
Jon SHUTE
– Orthodoxie, ambivalence et amnésie dans le discours criminologique
– La responsabilité historique de la criminologie envers le corps et la violence de masse
– La destruction du corps comme punition
– Psychologie d’investigation et preuves comportementales des scènes de mort
– Les discours de dénégation : neutralisation morale, corps et violence de masse
– Apprendre du passé de la criminologie
IV. Corps et violence de masse : les informations que peuvent fournir les praticiens de médecine légale
Marc TACCOEN
– Les lieux : modalités de découvertes
– L’examen des corps
– L’identification
– L’investigation criminelle
– Conclusion
V. Une renationalisation des corps ? La Mission française de recherches des cadavres de déportés en Allemagne, 1946-1958
Jean-Marc DREYFUS
VI. Les machines d’incinération de masse, dans l’histoire et au théâtre
Robert Jan VAN PELT
VII. Exhibition, dissimulation et « culture ». Le traitement des corps dans le génocide rwandais
Nigel ELTRINGHAM
– Le corps en tant que véhicule discursif
– Flux, dissimulation et exposition dans le génocide rwandais
VIII. Temporalité et définitions des corps après le génocide khmer rouge
Anne Yvonne GUILLOU
– Du corps souffrant aux cicatrices du paysage : une ethnographie des traces du génocide
– Envahissement des corps dans les espaces villageois et national
– Les ossements-preuves : ossuaires et mémoriaux des années 1980 à 2000
– Des corps-terre aux ancêtres et aux esprits tutélaires
IX. La longue vie des fosses communes : enjeux symboliques et sociaux du traitement des restes humains du Goulag en Russie postsoviétique
Élisabeth ANSTETT
– Une institution durablement mortifère
– Des corps confisqués
– Enterrés, abandonnés, noyés, incinérés
– Le retour des restes humains
– Statuts et fonctions sociales des restes humains
– De quoi les squelettes sont-ils le reste ?
RÉSUMÉS ET PRÉSENTATIONS DES AUTEURS