Bleu, Or, Rouge

  • 15.00€

Auteurs: 
Collection: 
15.00€
Date de parution: 
21/03/2025
Etat du livre: 
NEUF
ISBN: 
978-2-84743-358-6
Nombre de pages: 
104

Bleu, Or, Rouge est l’histoire d’une résilience, dans laquelle mon héroïne analyse, des annéesplus tard, une période de sa  vie qui a été aussi difficile que déterminante. Sans agressivité, Muriel y dénonce les eff ets pervers de l’« élitisme à la française », le potentiel destructeur d’un système qui prône le « marche ou crève ». Elle décrit la maladie que la pression ressentie a déclenchée, sa convalescence, les choix qui ont été les siens une fois rétablie ; puis elle sonde les raisons de cette « descente
aux enfers », et remonte jusque dans l’enfance, pour y rechercher le terreau de son perfectionnisme. Des échanges électroniques entre Muriel et son père, qui vivait loin d’elle durant ces années douloureuses, sont glissés au fil du récit, pour compléter et nuancer ses souvenirs.
Le bleu, l’or et le rouge sont les couleurs du plumage du Phoenix, mais rappellent aussi celles du drapeau français, l’or symbolisant l’élitisme.
Bleu, Or, Rouge est un livre d’inspiration autobiographique.

Sommaire: 

Avant-propos
1.    Descente aux enfers
2.    Été 2004
3.    Convalescence
4.    Renaissance
5.    Revanche
6.    Débuts à Chateaubriand
7.    Basculement
8.    Spirale
9.    Autre regard
10.  Exploration de l’enfance
11.  Héritage paternel 
12.  Dix ans plus tard
Épilogue : Ressenti et compréhension, d’une génération à l’autre 

Extraits: 

CHAPITRE 1

Descente aux enfers

« On a des mots pour dire une peine légère, mais les grandes douleurs ne savent que se taire. »
Sénèque

C’était il y a onze ans, été 2004, j’étais rentrée à Tours, juste après le passage du baccalauréat, j’avais seize ans et demi. Je ne sais d’ailleurs par quel miracle j’avais réussi à aller aux épreuves, et je n’arrive toujours pas à m’expliquer comment j’ai pu obtenir la Mention Très Bien. Je me souviens de ce matin où Maman m’a annoncé le résultat, je ne pouvais juste pas y croire, il devait y avoir erreur sur la personne. J’étais dans un tel état de souffrance psychique et physique lorsque je m’étais rendue aux épreuves qu’il me paraissait totalement inconcevable d’avoir atteint l’objectif. Car oui dans ce lycée, l’objectif n’était absolument pas d’avoir son bac, mais son bac avec la meilleure mention possible. J’avais eu 17 en philosophie, la première matière de la semaine, malgré la nuit blanche de la veille. Et non moins étonnant 17 à la course à pied en dépit de mon corps décharné.

En juin 2004, je pesais 40 kilos pour 1m69. Je ne mangeais plus aucun produit laitier car selon l’avis d’un médecin (pourtant formé en psychologie), cela pouvait être à l’origine de mes douleurs de ventre. Cette restriction n’a servi qu’à me faire maigrir un peu plus, et, quinze ans plus tard, je garde de ce soignant une très mauvaise opinion. Pour les mêmes raisons de ballonnements, je ne buvais de l’eau que par petites gorgées, à intervalles réguliers… Je m’étais enferrée dans tout un tas de règles, défiant tout bon sens et toute logique, pour me protéger j’imagine, me créer une forteresse, survivre. Depuis la fin des examens, j’avais également complètement perdu le sommeil.

Nous sommes parties à l’Ile de Ré avec Maman au début des vacances. Elle s’en souviendra toujours, elle n’avait jamais connu l’équivalent, ce qu’elle vivait était « indicible »… Elle m’entendait me lever sans cesse, et ne dormait plus elle-même. Elle était partagée entre la douleur de me voir dans cet état et la culpabilité de n’avoir rien perçu plus tôt. Je me revois, d’une maigreur affolante dans ma chemise de nuit blanc cassé satinée. Comme un médecin me l’a expliqué plus tard, j’étais comme un pilote de course dont la piste se serait arrêtée et qui tournerait en vrille, complètement déboussolé. Je crois que je ne savais plus vraiment qui j’étais. J’avais perdu tous mes repères.

Mes journées étaient aussi angoissantes que mes nuits, avec des obsessions qui revenaient en boucle, sur le thème de la nourriture bien sûr, de la propreté, et autres. L’image me revient de mes séances d’épilation frénétique… Je ne pouvais plus voir un film, mes pensées collantes m’empêchant de saisir quoi que ce soit aux images que j’avais sous les yeux. Je n’arrivais plus à lire non plus, je passais des heures sur le même chapitre.

Les mois précédents, j’avais commencé à rendre visite à un acupuncteur, et je ressortais des séances détendue. D’ailleurs, je me souviens que lors d’une consultation il avait dit « ce ne sont pas les aliments », concernant mes douleurs, et la suite allait montrer qu’il avait bien raison. Mais après le bac, l’angoisse m’étreignait à un point tel que même ces séances n’avaient plus aucun effet.

De retour à Tours après le séjour éprouvant à l’Ile de Ré, nous sommes retournées le consulter et je me revois, sortant de son cabinet, demander à ma mère de m’emmener à l’hôpital qui était tout proche. Je n’en pouvais plus.

À l’arrivée dans la salle de consultation du chu, un interne s’est occupé de moi. Je me souviens de quelques mots : « bradycardie », « hypothermie ». Mon corps était très précisément à 35,7°C de température.

Il a fort heureusement été statué que je devais être prise en charge. J’ai rencontré la pédopsychiatre Madame Olange qui allait me suivre quelque temps. Cependant je ne pensais pas qu’on allait me garder plusieurs jours et lorsqu’on me l’a annoncé j’étais tellement prise de panique (parce que, vous comprenez, ça ne rentrait pas dans mes « règles ») que j’ai dû avoir une réaction totalement disproportionnée car j’ai vu Maman faire un malaise. Puis je me suis calmée, plus ou moins.

Je me souviens d’un médecin, que je n’ai pas revu par la suite, m’annonçant, à la suite de tous les examens qui venaient d’être réalisés : « Vous avez eu de la chance, il n’y a pas d’organe touché ». En réalité, je n’avais pas du tout mesuré le risque de « blessures internes », de séquelles, je n’avais jamais pensé que quoi que ce soit puisse être irréversible, enfermée comme je l’étais dans cette spirale infernale.

À l’hôpital j’avais des toc monstrueux. Je revois la montagne de sopalin près du lavabo, après que je me suis lavée les mains dix fois de suite, je me revois également me frottant les pieds avant d’aller au lit, comme je le fais (de manière rationnelle) quand je suis à la mer et qu’il y a du sable. Sauf que nous étions à Tours, et dans un hôpital…

J’avais complètement perdu le Nord. Je ne saurai jamais si c’était mon état physique qui empirait mon trouble psychique et ma souffrance morale, mais à l’évidence cela s’apparentait, ni plus ni moins, à un cauchemar. Étant donné ma très grande perte de poids, il était finalement logique que ça ne suive plus là-haut, comme si les connexions neuronales étaient rouillées et que mon cerveau, manquant de graisse, dysfonctionne comme un disque rayé. Je n’avais aucune idée du moyen d’en sortir.

On m’a prescrit un anxiolytique pour que je puisse dormir, enfin. J’allais le garder environ un an. Le premier soir son effet m’a donné un tel coup de massue que j’ai eu du mal à terminer de me brosser les dents. Mais au moins j’ai pu retrouver le sommeil et commencer, tout doucement, à remonter la pente. Je me souviens parfaitement de cette réunion de médecins à laquelle mes parents et moi assistions, au cours de laquelle Madame Olange a prononcé comme une sentence : « Votre fille souffre d’anorexie mentale et de toc ». Mon père avait le regard hébété et a répondu « C’est hors de mon champ mental »… Cette phrase est restée célèbre depuis et nous avons eu diverses occasions de la recycler…

En sortant de l’hôpital, je me suis fait couper les cheveux, très court, comme pour provoquer une cassure, une dynamique de changement, « nouvelle coupe, nouvelle vie », etc. Ce ne fut pas du tout une réussite.