La fabrication de la Transylvanie comme paysage mémoriel et patrimonial s’enracine dans un événement historique ancien, un changement de frontières étatiques en 1920. Ce dernier a fait émerger des narrations officielles différentes voire conflictuelles rattachées à deux constructions nationales et à deux pays voisins. Que reste-t-il aujourd’hui de cette mémoire historique renvoyant à une expérience nationale traumatique, d’une part, et à un haut-lieu d’histoire et de gloire nationales, d’autre part ? Comment un espace à contours flous et sans assise administrative donne-t-il lieu à une catégorie sensible et performative ? À l’heure de l’élargissement européen, cette réflexion ne relève plus uniquement d’une logique de changement de frontières mais révèle des tensions relatives à la cohabitation sur un même territoire d’une diversité de populations. Cet ouvrage, fondé sur une recherche réalisée principalement dans la ville de Cluj-Napoca en Roumanie, nous mène à travers plusieurs lieux, musées, fêtes urbaines, structures associatives, espaces ordinaires de la ville qui, aujourd’hui, participent de ce paysage mémoriel et patrimonial compétitif se déployant à une échelle locale, nationale, transfrontalière et transnationale. Là, peuvent s’observer des phénomènes de production ou d’actualisation du passé, permettant de s’interroger sur les dynamiques de renouvellement du nationalisme, du régionalisme et de l’ethnicité en Europe, ainsi que des conceptions du territoire associées à ces pratiques. Enfin, ils mettent en avant la complexité des processus de fabrication de l’espace public en contexte plurilinguistique et pluriconfessionnel.
Introduction
Première Partie – Chemins d’une recherche
1. La Transylvanie : territoire frontalier, territoire à frontières
2. Un territoire en partage : questions de cohabitation et présences du passé
3. Objets et terrains
Deuxième partie – Les territoires de coexistence
1. Des empires multiethniques aux États-nations : cadre historique
2. Histoires de la ville : Cluj-Napoca, Cluj, Kolozsvár, Klausenburg
3. De l’espace au territoire : la compétition pour l’occupation symbolique de l’espace
1. Usages de la langue dans l’espace public
2. Controverses autour du patrimoine bâti et des vestiges archéologiques
4. Festivités urbaines : foire artisanale, musiques et danses folkloriques
5. Musées et territoires en partage
1. Musées, nationalisme et territoire
2. Approche ethnographique des musées
3. Institutionnalisation de la mémoire et de l’oubli
4. Changements dans les pratiques muséales ? « Politique de la différence »
et coexistence des récits patrimoniaux
6. Les territoires de la patrie : Erdély
1. La production d’un territoire à soi, entre patrie hongroise et espace étatique roumain
2. Territoires à géométrie variable
7. Le territoire-patrimoine : l’entre-soi et la coexistence
Troisième partie – Coexistence et négociation sociale. Les territoires de projet
1. Provincia, le projet d’expérimentation d’une autre Transylvanie
1. L’émergence d’un nouveau discours sur la Transylvanie après 1989
• Le contexte
• Acteurs et étapes
2. La production sociale et politique d’une singularité transylvaine
2. Le cohabiter par le prisme de la négociation des appartenances identitaires et territoriales
1. Communautés et espace public
2. La dynamique du lien et de la séparation ethnique : une approche de la situation
3. Rigidité ou fluidité des frontières ethniques : entre discours et pratiques
Quatrième partie – Territoires de culture et territoires d’action
1. Le territoire comme espace de cohérence culturelle ?
1. Régionalismes et régionalisation. L’Europe comme moteur de recompositions sociales et territoriales
2. Le territoire comme aire culturelle
2. Dé(re)territorialisations
1. Territoires de négociation
2. Territoires d’expérience
3. Territoires de projet. Acteurs et échelles des territoires
4. Territoires-mémoires, territoires d’histoire. Conclusions et perspectives
Bibliographie
Table des annexes