Quelle « musique contemporaine » pour la nouvelle république indépendante d’Ouzbékistan ? Avec la chute de l’URSS, c’est tout un pan de la vie musicale de Tachkent qui se trouve bouleversé. L’arrivée d’une musique d’avant-garde perçue comme occidentale, l’interprétation d’un répertoire vingtièmiste jusque-là très rarement joué et inconnu du grand public, et l’ouverture d’échanges artistiques avec l’Europe et les États-Unis contribuent à l’impression d’un choc parmi toute une génération de musiciens, musicologues et compositeurs. Les instances de jugement et les sources de financements qui, à l’époque soviétique, venaient de l’État ouzbek et des institutions centrales de Moscou, sont désormais majoritairement issues des fondations étrangères. Entre continuité des personnes et nouvelle donne économique et politique, entre rejet et regret des institutions musicales soviétiques, entre accusations d’opportunisme et conviction de créer la musique du futur, entre stratégies de captation des financements et revendications de désintéressement, la création musicale contemporaine d’Ouzbékistan concerne certes un nombre d’acteurs quantitativement restreint, mais elle offre une perspective originale sur les problématiques complexes des premières décennies de l’Ouzbékistan indépendant. C’est toute la fabrication d’une catégorie musicale, celle de « musique contemporaine » (au sens de la création musicale savante issue des avant-gardes occidentales du XXe siècle), et les jeux de miroir entre orientalisme occidental et représentation de l’Occident en Ouzbékistan qui sont questionnés dans cet ouvrage.
Cette étude se fonde sur un travail de terrain échelonné entre 2008 et 2012 et une étude de la littérature musicologique ouzbèke soviétique et post-soviétique. Les nombreux entretiens menés avec des acteurs clés ainsi que l’observation et l’analyse de situations de répétitions et de concerts mettent en lumière la création, par les acteurs de la « musique contemporaine » à Tachkent, de tout un cercle fondé sur les milieux intellectuels et artistiques de la fin de l’époque soviétique. De manière plus générale, il s’agit d’offrir une perspective locale sur un phénomène de globalisation musicale afin d’en saisir les processus à différentes échelles et d’en comprendre les mécanismes institutionnels et les motivations individuelles.
REMERCIEMENTS
SEPT ANS APRES
INTRODUCTION
Globalisation
Mécanismes identitaires
I. Miroirs
Classer les musiques
De quoi parlons-nous ?
Parler de musique contemporaine à Tachkent
Traduire
II. Ilkhom-xx, festival international de Musique contemporaine
Dmitri Yanov-Yanovsky et le théâtre Ilkhom
Le montage financier (et politique)
La fin du festival
Une rupture dans la vie musicale de Tachkent ?
Une continuité historique
Un festival parmi d’autres ? Ilkhom-xx dans le monde de la musique contemporaine
III. le seul ensemble de musique contemporaine à Tachkent
Mises en récit
Se distinguer dans le paysage musical de Tachkent : les « concerts du conservatoire » et leur répertoire
Les orchestres de chambre : Turkiston et l’Orchestre de la télévision et de la radio
L’Orchestre symphonique national
Le répertoire d’Omnibus
L’Ensemble Sogdiana et Dilorom Saidaminova
Des financements ciblés captés par Omnibus
IV. Omnibus et ses passagers
Artyom Kim, Jakhongir Shukur et Sukhrob Nazimov : les fondateurs
L’effectif de 2010 : parcours de musiciens à Tachkent
Rashomon
V. Ru théâtre Ilkhom, l’atelier où se fabrique la musique contemporaine à Tachkent
L’Ilkhom et son univers sonore
Un concert de musique contemporaine
Se donner un public
Black Box : forger l’art expérimental de Tachkent
VI. De Séoul à Chicago et amsterdam en passant par Moscou et le Goethe-Institut de tachkent : des identités musicales ouzbékistanaises en construction
Les écoles nationales
Entre professeurs occidentaux et Shash-maqom : la musique contemporaine ouzbèke d’Omnibus
Partir ou rester ?
Une école asiatique ?
CONCLUSION
ANNEXES
Notices biographiques sur les principaux compositeurs cités
Index
Bibliographie
Cahier des illustrations