L’insularité constitue le pivot de tout un foisonnement symbolique et sémantique.
Il y a toujours une autre île possible. Lanzarote n’est pas pour rien le lieu d’élection d’un roman de Michel Houellebecq. On sait que les Canaries, via bien des sectateurs de l’idée de bonheur et d’île inaccessible, ont passé pour être les îles Fortunées chères à l’Antiquité voire une survivance émergée de l’Atlantide. Avec Umberto Eco, l’île est celle du jour d’avant. Comme si le regressus ad insulam était un processus ab initio. Comme si le manque était la condition première et que l’île était la réalité de ce manque. Et d’abord une page blanche, un mur immaculé qui renvoie le regard à sa source objective et neutre – extériorisée dans son effacement. Mais la réalité de l’île est toujours déjà là qui nous double. Où la distance est sans commune mesure avec aucune étendue. Au cœur des choses, et pourtant sans fond, l’île est un espace où l’homme est prisonnier d’un regard antérieur omniprésent qui crée partout ce qu’on voit, condamnant le spectateur à n’être qu’un témoin de ce qui disparaît. L’écueil est de croire à l’objectivité du réel. Seule est vraie l’illusion des apparences. Un suprême artifice est de révéler les paysages à leur espace, et surtout la lumière à son ombre. Un défi : donner de la profondeur à tant de surface, une épaisseur à tant d’apparence, et leur trouver des raisons d’apparaître en les escamotant dans l’abstraction.
Les dix-huit études réunies dans cet ouvrage explorent la manière dont est représentée, vécue ou problématisée l’île, à travers un large spectre d’œuvres qui, traversant les époques, en ont revisité les seuils et les marges, dessiné des configurations nouvelles, interrogé des dynamiques conceptuelles, artistiques et identitaires. Lieu d’une restitution sémantique impossible autant que nécessaire, l’île est une référence commune à tous les hommes. Comment leur parle-t-elle d’utopie ?
Avant-Propos
Éric FOUGÈRE
I. Un point sur la reprise insulaire en littérature
Éric FOUGÈRE
II. L’imaginaire de l’île, une constante anthropologique
Ana Maria DE ALBURQUERQUE BINET
III. Redéfinition psychanalytique de l’insularité comme lieu mythique dans les romans de Jules Verne
Philippe MUSTIÈRE
IV. « Théâtre de voyage(s) » ou les possibilités d’une nouvelle dramaturgie de l’insulaire au temps des Lumières
Ana Clara SANTOS
V. L’île ou le langage et la pensée du coeur
Véronique LE RU
VI. D’îles en signes, Mallarmé naviguant
Maria de Jesus CABRAL
VII. Les possibilités de l’île valéryenne
Émilie ROGER
VIII. Non-lieu et raison d’être dans le Poisson-Scorpion de Nicolas Bouvier : pour une esthétique de la disparition
Maria Hermínia AMADO LAUREL
IX. L’île scripturaire et ses dynamiques d’incluances
Annick GENDRE
X. Le Robinson Crusoé de Pixérécourt ou la redéfinition des concepts de « sauvage » et de « civilisé » dans l’espace d’une île « déserte »
Barbara T. COOPER
XI. Influences réciproques de récits littéraires et de la construction de l’identité insulaire
Alexandra BEZERT
XII. De l’impossibilité d’une île et de la possibilité du livre : approche du schème insulaire dans l’oeuvre de Jean Lods
Jacques ISOLERY
XIII. Le roman de l’île, perspectives comparées de quatre robinsonnades ontologiques
Florence LOJACONO
XIV. L’île de Villegagnon, représentations de la France Antarctique au Cinéma
Teresa Cristina DUARTE SIMÕES
XV. L’Île des Gauchers d’Alexandre Jardin. Lecture d’un espace insulaire, utopique et fantasmé
José Domingues DE ALMEIDA
XVI. Entre lieu et non-lieu : hétérotopie insulaire chez Axel Gauvin
Bénédicte ANDRÉ
XVII. Une autre insularité chez Jules Verne
María Pilar TRESACO BELÍO
XVIII. L’île chez Éric Chevillard : entre utopie et dystopie
Dominique FARIA